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Monde

Fin de l’Histoire, fin de l’Europe ?

Le Dialogue

Quiconque aurait prédit il y a quatre ans que l'Europe subirait une catastrophe sanitaire, puis se trouverait face à des guerres éclatant l'une après l'autre sur son territoire ou à ses frontières (Arménie, Israël), aurait été considéré comme un fantaisiste. Mais l'imprévisible s'est produit. C'est d'autant plus incroyable que le Vieux Continent était considéré comme un continent de paix. En 2012, il a même reçu la plus haute distinction, le prix Nobel, pour avoir transformé une région déchirée par les guerres en un espace de paix. Le comité d'Oslo a souligné que l'UE et ses prédécesseurs avaient encouragé la paix, la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme en Europe pendant six décennies.

 

Et tout s'effondre presque instantanément ? Comment est-ce possible ? La réponse la plus simple serait bien sûr que l'histoire serait imprévisible. C'est partiellement vrai, mais seulement quand il s'agit d'une série de causes organiquement non liées. Et même là, il y a de grandes difficultés. Personne n'a pu prédire le krach économique de 2008. Si c'était le cas, il n'aurait tout simplement pas eu lieu. Il en va de même pour la catastrophe initiale du 20e siècle, la Première Guerre mondiale. L'attentat de Sarajevo a eu lieu parce que les responsables, c'est-à-dire le service secret autrichien et la cour de Vienne, ont sous-estimé le danger. Même après qu'une bombe ait été jetée sur François Ferdinand ce jour-là, il a repris le même chemin quelques heures plus tard, rencontrant ainsi son destin. Avec lui, plus de 20 millions de personnes ont également rencontré leur destin au cours des quatre années suivantes.

 

La Première Guerre mondiale, avec toutes ses horreurs, ne peut pas non plus être expliquée ex post. Il n'y a tout simplement pas de logique profonde dans ses événements. Mais ce qui se passe maintenant en Europe est logique et organiquement lié à son développement au cours des dernières décennies. Même si personne n'a pu le prédire avec précision, cela pourrait être expliqué ex post. Pourtant, il ne s'agit pas seulement de conflits : on assiste aux processus plus profonds. Le monde qui a émergé à la suite de la Seconde Guerre mondiale s'en va. Cela est particulièrement évident en Europe, qui montre des signes de rupture sur deux axes fondamentaux, l'axe est-ouest et l'axe nord-sud. Si l'Europe a été menacée depuis 1945, c'est maintenant. Elle est sur le point d'imploser.

Néanmoins, contrairement aux autres catastrophes qui l'ont frappée tout au long de l'histoire, les causes de la désintégration actuelle sont bien évidentes. Les phénomènes se sont certes développés lentement, mais ils ont gagné en dynamique à la fin de la guerre froide, lorsque le néolibéralisme, qui semblait être la seule formule historique victorieuse, a acquis une immunité contre l'échec grâce à soi-disant absence d'idéologie : le marxisme, le communisme, le socialisme réel et d'autres -ismes (titisme, par exemple) auraient tous échoué parce qu'ils étaient doctrinairement chargés. Ils présentaient une idéologie et étaient, en tant que tels, soumis à la mort. C'est vrai. Mais cela ne dit pas tout.

 

Puisque le néolibéralisme était le seul acteur restant sur la scène, Francis Fukuyama a lancé la thèse de la fin inévitable de l’histoire. Une thèse qui n'aurait pas été aussi retentissante si elle n'était pas tombée sur un terrain bien fertile. En Occident, plus précisément sur le continent de son origine, en Europe, il y avait notamment une conviction unanime après la chute du mur de Berlin que l'histoire était terminée et que, par conséquent, certaines conséquences nécessaires devaient être tirées.

Toutes fois, il s'est avéré qu'il s'agit de la présupposition la plus idéologique que l'Europe ait connue, à côté des totalitarismes des années 30 du 20ème siècle. L'hypothèse de la fin de l'histoire est en fait une idéologie. Elle fonctionne sur le principe d'une bombe à cassette. En soi, elle n'est pas dangereuse : ce qui est dangereux, c'est ce qu'elle porte en elle. Et ce qui explose, quand elle touche le sol, ou lorsqu'elle entre en contact avec la réalité sociale. Ainsi, lorsque l'Europe a décidé de la fin de l'histoire, elle a également choisi de laisser son espace être submergé par des idéologies qu'elle avait jusqu'alors réussi à tenir à la porte. Mais personne n'a senti le danger essentiel, à savoir que cela coûterait au Vieux Continent la place qu'il détenait pendant des siècles, en tant que créateur de la civilisation occidentale.

 

Le coup le plus fort est donc venu frapper le pilier qui portait le plus de poids, ou plutôt, qui représentait son noyau identitaire. C'est le christianisme. Depuis le traité de Maastricht (1992), les forces qui veulent effacer l'identité chrétienne de l'Europe sont de plus en plus au pouvoir. Les choses ont encore évolué récemment. L'identité chrétienne n'est pas la seule qui dérange. Les centres de pouvoir - appelons-les ainsi - sont gênés par toute persistance de l'identité, car l'identité est le refuge de l'homme, son essence. Ainsi, ceux qui nous façonnent le destin, dont les émissaires se trouvent à Bruxelles, Berlin et Paris, s'opposent à l'identité des nations, des langues, et plus récemment aussi de plus en plus souvent à l'identité sexuelle.

Ces idées sont présentes depuis la révolution de 68, elles ont été introduites dans l'espace européen par Jean-Paul Sartre. À ses côtés se tiennent ceux qu'Eric Zemmour appelle les auteurs du suicide français, les soi-disant porteurs de la "théorie française". Mais l'essentiel est Sartre. Il a en effet formé un concept qui est aujourd'hui devenu synonyme de tout, quand il ne signifie plus rien. C'est la liberté. Jamais dans l'histoire il n'y a eu une période où l'homme était littéralement condamné à la liberté et où la liberté était le fondement de tout ce qui se passe. Mais cette liberté n'est pas absolue, comme elle devrait l'être, mais elle est relative : elle est conditionnée par une fausse identité instantanée. La liberté selon Sartre signifie simplement la liberté de se réaliser, dans n'importe quelle direction, sans obligation.

Je suis ce que je fais de moi-même, dit-il. Rien ne doit s'opposer à cette liberté. Le moins du monde l'autorité. Si de jeunes écoliers rencontrent un enseignant qui leur dit quelque chose de critique, les parents sont immédiatement à l'école avec des avocats. Il en va de même si quelqu'un interdit à un enfant d'utiliser un smartphone. C'est une grave atteinte à sa liberté, à son identité qu'il choisit lui-même, même si la mauvaise utilisation des téléphones mobiles en fait partie. C'est ce qu’on entend. 

 

Et voilà où nous en sommes.

La réalisation de la quasi-identité de l'homme est devenue le principal objectif de la démocratie. Vous pensez que ce ne sont que des divagations abstraites ? Non, car cela est en marche dans le quotidien, sous les drapeaux du LGBT+, par exemple. Il y en a tellement que tout le monde en a assez. Et comment cela fonctionne-t-il ? Par exemple, on recommande la liberté de genre : dans dix ou quinze ans, il sera normal de se réveiller le matin en tant que femme et de se coucher le soir en tant qu'homme. L'homme n'est plus un être social, mais un être de transition, de migrations. Cela est absolutisé. Il n'y a pas de valeurs supérieures aux autres, il n'y a pas de limites. Dieu est mort. Et qu'est-ce qui reste ? Je suis condamné à la liberté, condamné à faire ce que je veux. Mais en réalité, je suis condamné au néant.

L'apparition d'une fausse identité montre qu’on ne peut plus poursuivre des objectifs communs. On cherche des buts dans notre identité individuelle : je suis végan, je suis lesbienne, je suis trans ou queer. C'est pourquoi il y a de plus en plus de lettres dans l'acronyme LGBTIQ, car il y a de plus en plus de possibilités de réaliser sa propre identité. L'identité est mise à la place de l'action politique et à la place de l'effort pour le bien commun. La société occidentale n'a jamais réalisé avec autant de volonté suicidaire les postulats du nihilisme radical. Elle n'a jamais été aussi éloignée du mécanisme qui seul garantit l'identité réelle de l'homme, de Dieu. Dieu nous représente avant tout la base de l'ordre, de l'harmonie, de la paix. L'Être suprême est en même temps le plus haut garant de la morale dans la société. Et tout en découle.

 

Mais il y n’en a pas mal qui profitent du chaos : ni l'homme, ni l'Église, ni Dieu, mais le marché. Si les changements de sexe sont un jour classés dans la catégorie des dépenses budgétaires et sont financés par la santé publique, ce sera la plus grande mine d'or pour la médecine et la pharmacologie. L'homme libéré de son abri primaire : la foi, la famille, la nation et la langue est en effet une proie facile pour toute sorte de campagnes idéologiques.

Quelqu'un qui ne pense pas à lui-même comme à un être transcendant, mais se perçoit comme quelqu'un qui doit se réaliser ici et maintenant, va beaucoup consommer, permettant ainsi les profits de ceux qui gagnent de la "liberté" humaine. En fait, il s'agit d'un colossal expérimentation, peut-être la plus grande jamais entreprise par l'humanité, et il y en a eu beaucoup. Pourtant, toutes les expériences sociales se terminent de la même manière - par un échec. Que se passera-t-il avec les expériences dont le domaine n'est pas la nature sociale de l'homme, mais son être biologique ? Avec les expériences concernant le LGBT+, qui devient un domaine de sainteté, tout comme celui autrefois dominé par l'Europe chrétienne. Cela se terminera par une catastrophe, cela ne peut pas se terminer autrement. Déjà, les guerres sont devenues l'état naturel de l'Europe, comment sera-t-il dans une décennie ?

 

Et la solution ? Très simple. Annuler la fin de l'histoire et éliminer de notre milieu les idéologies qui ont pénétré l'espace européen avec cette erreur. En commençant par LGBT+. Les mettre là où elles ont leur place. En marge. Et apprendre des civilisations qui n'ont jamais envisagé d'abolir leur propre histoire. En commençant par l'Orient.