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Attaques Houthis en mer Rouge : les navires vont contourner l'Afrique par le Cap de Bonne Espérance…

Marine Nationale
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Plus de 20 pays ont rejoint la coalition baptisée « Prosperity Guardian » menée par les Etats-Unis et visant à défendre les marines marchandes en mer Rouge des attaques des rebelles houthis du Yémen. 

Même si ses règles d’engagement n’ont pas encore été précisées et le nombre des contributeurs ainsi que les modalités de leur engagement demeurent flous. Parmi les pays partenaires on compte désormais : la France, le Royaume-Uni, Bahreïn, le Canada, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, l'Espagne, la Grèce et les Seychelles.

Figurant pourtant parmi les dix pays nommément cités par le Pentagone, la France et l’Italie ne placeront pas leurs moyens navals sous commandement américain, indique Laurent Lagneau pour Opex 360.

« La Marine nationale déploie en permanence des capacités dans cette zone, dans un cadre européen avec les missions Agénor et Atalante ou par le soutien à des coalitions navales comme la Combined Task Force 153, initiée par les États-Unis pour la sécurité maritime en Mer rouge. Cette opération permet la coordination des moyens des différentes nations partenaires, qui dans le cas de la France restent sous commandement national et garantissent notre liberté d’action », a-t-il précisé. Cela vaut donc pour les navires mais aussi pour les avions de patrouille ou de surveillance maritime », a précisé le Ministère des Armées. 

Quant à l’Italie, elle sera présente en mer Rouge afin de « protéger ses intérêts nationaux, en réponse aux demandes spécifiques des armateurs italiens ». Sa mission relèvera de l’opération « Mediterraneo Sicuro » et non de celle lancée par les États-Unis.

Environ 20 000 navires circulent chaque année sur cette route qui relie la mer Méditerranée à l'océan Indien. Ces dernières semaines, les Houthis ont multiplié les attaques près du détroit stratégique de Bab al-Mandeb, qui sépare la péninsule arabique de l'Afrique et par lequel transite 40% du commerce international.

Pour protéger ce couloir stratégique, les États-Unis déploient un groupe aéronaval au large du Yémen appuyé par une frégate et six destroyers.  La France est représentée avec la frégate Languedoc et la frégate légère Floréale. Le destroyer britannique Diamond y a récemment rejoint le HMS Lancaster. L'Espagne, avec la frégate Victoria, et l'Italie, avec la FREMM Virginio Fasanont également annoncé l'envoi de navires de guerre.

L’Espagne exclut de prendre part à « Prosperity Guardian ». De fait, elle est déjà présente dans la région dans le cadre de la mission européenne « Atalanta », et ne participera qu’aux opérations dirigées par l’Otan ou l’Union européenne, précise Laurent Lagneau

Quoiqu’il en soit, la coalition n'aura pas les moyens de protéger les 20 000 tankers ou porte-containers qui transitent en mer Rouge chaque année.

Les Houthis se sentent en confiance et sont de plus en plus ambitieux. Ils sont la puissance dominante de facto au Yémen, ils ont gagné la guerre civile sur le plan militaire et ils contrôlent la capitale Sanaa. Les Houthis veulent maintenant se transformer en puissance régionale. Cette volonté se traduit par leur relation avec les Émirats arabes unis et leurs frappes sur Israël avec des missiles et des drones. Désormais, les rebelles s'attaquent aussi à des navires marchands en mer Rouge. Ils portent une voix anti-saoudienne, anti-américaine et anti-israélienne.

 

Quels sont les objectifs des rebelles yéménites?

Leurs objectifs sont doubles. « A l’échelle locale, il s’agit pour les Houthis qui sont dominants au Yémen à hauteur de 60% de la population yéménites de frapper Israël et en ciblant les navires en mer Rouge, et de mobiliser le sentiment propalestinien, très fort au Yémen. Ensuite au niveau régional, les Houthis envoient un message politique de soutien au Hamas. C'est une façon pour eux de se positionner comme un acteur important de « l'axe de la résistance », le réseau de groupes armés non-étatiques soutenu par l'Iran, qui inclut notamment le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban », analyse Thomas Juneau, professeur agrégé à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'université d'Ottawa.

Les Houthis sont un acteur autonome. Ce ne sont pas les marionnettes de l'Iran, même s'ils vont continuer à recevoir beaucoup d'aide.

Pour l’heure, les attaques des Houthis sont devenues aléatoires, tous les navires de commerce sont désormais visés. Grâce aux drones et aux missiles antinavires « low cost », les rebelles Houthis sont aujourd'hui capables de mener des frappes à longue portée.

Le géant CMA CGM, premier transporteur maritime français, a annoncé le 16 décembre 2023 qu'il suspendait, comme les groupes Maersk et Hapag-Lloyd, la traversée de la mer Rouge par ses porte-conteneurs après des attaques perpétrées contre des navires par des rebelle Houthis du Yémen. Le groupe a « décidé d'ordonner à tous les porte-conteneurs de CMA CGM dans la région qui doivent passer par la mer Rouge, de rejoindre des zones sûres » ou de ne pas sortir des eaux jugées sûres, « avec effet immédiat et jusqu'à nouvel ordre », selon un communiqué. « La situation continue de se détériorer et les inquiétudes en matière de sécurité augmentent », affirme CMA CGM pour justifier sa décision.

L'armateur italo-suisse Mediterranean Shipping Company (MSC) renonce comme d'autres géants du secteur à faire circuler des navires sur la mer Rouge. 

Malgré un temps de trajet allongé, des centaines de grands navires ont décidé de contourner la pointe sud de l'Afrique plutôt de que passer par la mer Rouge afin d'échapper aux attaques répétées des Houthis du Yémen.

Celles-ci ont perturbé le commerce international par le canal de Suez, la route maritime la plus courte entre l'Europe et l'Asie, par laquelle transite environ un sixième du trafic mondial.

Les marines marchandes détournées vers le cap de Bonne-Espérance pour éviter les attaques des rebelles houthis en mer Rouge sont confrontées à « des difficultés de ravitaillement et d'approvisionnement dans les ports africains dues à des contraintes administratives, la congestion et le manque d'équipements », commente Wendell Roelf pour Zone Bourse.

Naviguant dans des conditions météorologiques difficiles avec une mer agitée, fréquentes au "Cap des Tempêtes" ainsi que dans le canal du Mozambique exposé aux cyclones, les navires risquent de consommer leur carburant plus rapidement, ce qui rend les services de ravitaillement - ou soutage - cruciaux, soulignent les compagnies maritimes.

"Selon la destination finale du navire, faire le tour du cap de Bonne-Espérance en Afrique pourrait être extrêmement coûteux et chronophage, et les conditions météorologiques sont très difficiles. Mais en même temps, les navires transitant par cette région du golfe d'Aden et de la mer Rouge voient également leurs coûts augmenter car les compagnies d'assurance continuent d'augmenter leurs primes."

Selon Reuters, les primes de risque de guerre sont passées d'environ 0,07 % de la valeur du navire la semaine dernière à près de 0,2 % de la valeur du navire cette semaine. Cela peut augmenter le coût d'un voyage d'une semaine de dizaines de milliers de dollars.

Jusqu’à nouvel ordre, les navires de ces armateurs sont contraints à un détour de plusieurs milliers de kilomètres, par le Cap de Bonne-Espérance, au sud de l’Afrique. Les coûts de fret bondissent donc mécaniquement, et le temps de trajet est rallongé d’au moins 10 à 15 jours.