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Turquie

L’obstination du président turc ou le dernier coup de force du très moyennement démocrate néo-Sultan Erdogan …

Le Dialogue

Les membres du CHP regardent la télévision après les premiers résultats au bâtiment du CHP à Istanbul le 14 mai 2023, après la clôture des sondages lors du premier tour des élections présidentielles et parlementaires en Turquie. La Turquie vote lors d'une élection capitale qui pourrait prolonger l'emprise de deux décennies du président sortant sur le pouvoir ou placer la nation majoritairement musulmane sur une voie plus laïque. Photo : Yasin AKGUL / AFP.

 

A la suite du premier tour de l’élection présidentielle turque, Alexandre del Valle a Interviewé le spécialiste du Moyen-Orient et de la Turquie François Costantini, professeur associé à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth et membre du Centre de Politique Étrangère de la Sorbonne. Pour Costantini, Erdogan n’a plus la confiance du pays réel et ne peut gagner ces élections qu’en raison de la corruption clientéliste de « l’Etat AKP » et de la démagogie raciste-national-islamiste du néo-Sultan qui n’atteindra jamais son objectif désespéré  de de-venir un « Atatürk à l’envers » qui aurait dépassé le « Père de la Turquie » laïque-kémaliste. 

 

Erdogan peut-il gagner ces élections sans deuxième tour ?
A l’heure actuelle, au vu des résultats particulièrement serrés, il est très difficile de dire s’il y aura un second tour. Le fait est qu’il s’agit d’un résultat particulièrement médiocre pour Erdogan, dont on peut dire, quoi qu’il arrive, qu’il n’a plus la confiance du pays.

 

Pensez-vous que les élections ont été truquées malgré les nombreux volontaires citoyens turcs et observateurs étrangers venus observer les élections ? 
Erdogan et l’AKP sont régulièrement accusés de fraudes massives par leurs adversaires depuis plusieurs années. L’AKP est notamment accusée d’inscrire massivement les réfugiés syriens (près de 4 millions dans le pays) et de les faire voter en masse après les avoir rapidement naturalisés. On parle également de plusieurs millions d’inscriptions d’électeurs fantômes. Il faut de plus savoir qu’il n’existe pas de dispositif anti-fraude en Turquie, du type de colorant apposés sur les mains. On notera également, de façon extrêmement curieuse, l’absence d’implication de l’Union européenne et des Nations-Unies, d’habitude si regardantes sur le moindre processus électoral…

 

Comment Erdogan fera-t-il pour convaincre les Européens et la communauté internationale que l’opposition, qui conteste déjà les résultats des élections, a vraiment gagné ? 
Aujourd’hui, Erdogan se moque totalement de la « communauté internationale », comme de l’Union européenne. D’ailleurs, de quelle communauté internationale s’agit-il ? Au contraire, Erdogan est prêt à dénoncer la moindre observation de l’Union européenne comme une ingérence dans les affaires de la Turquie et à utiliser le cas échéant celles-ci auprès de son électorat... L’Union européenne, depuis que Angela Merkel est venue littéralement se prosterner à ses pieds en 2016 à la suite de la crise des migrants, est totalement tétanisée devant les multiples provocations d’Erdogan.

 

Au-delà d’un éventuel trucage des élections, quelles ont été les éléments de succès  réels et les secteurs de l’électorat séduits une fois de plus par les discours nationaux islamistes et populistes d’Erdogan ? 
Erdogan a constitué depuis plus de vingt ans un réseau de clientélisme inimaginable. Des millions de familles turques, souvent modestes, reçoivent de lui aides alimentaires, bourses d’études, emplois publics…L’AKP ne suscite plus aucun enthousiasme, mais mobilise ses millions d’obligés dans le pays. Ainsi, bien sûr, que les esprits simples et islamisés radicaux.

 

Le fait que le candidat kémaliste soit alevi et ait été accusé de pactiser avec le PKK en raison du simple soutien passif des kurdes du parti rep des peuples est-il un élément de succès résiliant d’Erdogan auprès du turc sunnite lambda non kémaliste ?
Kiliçdaroglu a pris les devants et évoqué ses origines alévies. Ce qui a été perçu comme un grand moment de courage, et son intervention a été regardée plus de 100 millions de fois sur les réseaux sociaux. Erdogan, qui utilisait ce filon détestable et à connotation raciste à chaque élection, a dû cette fois-ci battre en retraite sur cette question. Concernant le PKK, il n’y a aucune relation avec Kiliçdaroglu. Rappelons-nous également que les kémalistes ont toujours combattu avec force le terrorisme du PKK. Alors qu’à son arrivée au pouvoir, Erdogan voulait négocier avec eux, au nom d’un prétendu sunnisme commun…

 

Erdogan est-il sur le point de dépasser Atatürk ?
Pour l’immense majorité des Turcs, Atatürk restera inégalé. Dans tout le pays, dans les magasins, les espaces publics et sur les automobiles, pour un portrait d’Erdogan, on compte 100 portraits d’Atatürk…