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Monde

Le wokisme, enjeu central des élections polonaises en automne 2023

Le Dialogue

Donald Tusk, leader du parti Plate-forme civique polonaise (Platforma Obywatelska (PO)) prend la parole lors d'un rassemblement lors d'une manifestation antigouvernementale organisée par l'opposition à Varsovie le 4 juin 2023. Venant de toute la Pologne, les manifestants ont répondu à l'appel du chef du principal parti d'opposition centriste (Plateforme civique, PO), ancien chef du Conseil européen Donald Tusk, pour protester contre "la vie chère, les escroqueries et les mensonges, en faveur de la démocratie, des élections libres et de l'UE". Photo : Wojtek Radwanski / AFP.

Deux élections d'une importance sans précédent se tiendront au cours de l'année à venir. Aux États-Unis, elles auront lieu en octobre 2024, opposant le globalisme à l’esprit de souveraineté. La Pologne connaîtra également des élections, où le même enjeu sera débattu. Pour l'Europe, le résultat à Varsovie sera d'autant plus crucial. Deux camps s'affronteront : le camp de Donald Tusk d'un côté et le PiS, soutenu par des partis d'orientation similaire, de l'autre. Il est difficile à ce stade de prédire l'issue de ces élections, mais cela n'est pas impossible. Pour comprendre cela, rappelons certains faits.

La démonstration de force du camp de gauche, le 4 juin, a été un succès en apparence. La Pologne compte 40 millions d'habitants, et entre 200 000 et 300 000 d'entre eux ont assisté à la manifestation, ce qui représente entre 0,5 et 0,75 % de la population. Un chiffre important, mais tout de même relatif. Lorsque le mur de Berlin est tombé, à l’Est européen, le nombre de ceux qui protestaient, formait un chiffre absolu. Et les séquelles furent aussi de caractère total.

Les élections américaines et polonaises seront également celles avec la plus longue campagne électorale. En Pologne, le 4 juin ne fut pas une journée inaugurale, car les partisans de la gauche se sont déjà rassemblés à l'occasion de la diffamation de Jean-Paul II. Il y a quelques mois, des accusations selon lesquelles le saint Pape aurait couvert des abus de pédophilie ont en effet été rendues publiques. Ceux qui sont mieux informés savaient immédiatement la chose suivante : comme il n'est pas possible de diffamer autrement la concurrence politique (PiS) et de la faire sortir du pouvoir, ses opposants ont utilisé l'arme nucléaire. En détruisant la réputation de Jean-Paul II, ils ont cherché – et cherchent encore – à contaminer tous qui se réfèrent ou perçoivent le saint Pape comme le gardien des valeurs humaines traditionnelles (famille, foi, culture, nation). Ceux-ci ne sont pas seulement en Pologne. L'attentat contre la réputation de l'ancien pape était donc aussi une attaque visant ceux qui, en Europe, s'identifient à lui. Il y en a autant que des grains de sable sur une plage, si nous utilisons une métaphore biblique.

Dans ce contexte, la candidature de Donald Tusk à la présidence du gouvernement polonais n'est probablement pas un hasard. Selon le film Notre homme à Varsovie, qui bat actuellement des records d'audience, l'ancien président du Conseil européen est aussi familier avec Bruxelles, Berlin et Moscou. C'est-à-dire, avec les centres de pouvoir que dérangent le plus l'européanisme traditionnel. Poutine s'en est même pris à lui avec des armes, si nous interprétons l'agression en Ukraine comme une attaque contre cette partie de l'Europe qui a été le moins touchée par le fléau « woke ». Bruxelles et Berlin utilisent également une arme terrible contre l'habitus traditionnel de l'homme occidental, l’arsenal idéologique mentionnée précédemment. Donald Tusk a une opinion positive à son sujet. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu'il a aidé à mettre en pratique ses postulats. Que voudrait-on dire par là ?

En octobre 2017, un document assez controversé pour la plupart des citoyens de l'UE (y compris ceux d'origine non européenne) a vu le jour. [1] Son titre est Communication inclusive. Sur 16 pages, il établit une norme sur la façon d'utiliser un langage plus neutre en termes de genre et plus favorable à la communauté LGBT+. L'initiateur en a été Donald Tusk, alors président du Conseil européen. À ce titre, il a également signé le document. Son nom est à côté de celui d'un fonctionnaire assez anonyme qui a manifestement été chargé de la mise en œuvre pratique.

Le document faisait (et fait toujours) partie d'un plan soutenu par la Commission européenne visant à instaurer une « union d'égalité ». Trois ans plus tard, la lutte pour « l'émancipation de classe », que le marxisme a enseigné, ou la lutte pour « la libération nationale ou raciale », dont le fascisme et le nazisme parlaient, a été réappropriée dans un nouveau document de l'UE, cette fois-ci au nom de la lutte pour « toute libération ». Il s'agit de l'un des documents les plus impeccables, si l'on considère l'idéologie du wokisme comme le critère sur lequel il a été rédigé. En fait, on assiste à la mise en pratique de ses postulats fondamentaux. Les auteurs ont vraiment effectué un travail excellent.

On se trouve donc dans un totalitarisme doux qui, au nom de l' « humanité » abstraite, nie les gens concrets, au total environ quatre cent cinquante millions, combien l'Union en compte actuellement. Les grandiloquent lignards remettent l’homme européen intégralement en question. Tout est sous l'épée de Damoclès de l'effacement : le mode de vie, la communication ; les habitudes et la pensée, y compris le genre. Ce dernier a été une priorité pour le document dont Donald Tusk était l'initiateur. Cette ferveur est néanmoins surprenante : le manuel sur l'utilisation inclusive de la langue est presque entièrement dédié à l'annihilation des différences de genre. Pour commencer, l'ancien président du Conseil européen a appelé à la relativisation de l'utilisation des termes « monsieur et madame », constatant qu'ils sont inappropriés à notre époque. Il faudrait donc chercher un nom plus propice à l’actualité. Dans ce but, il a proposé une série de nouvelles abréviations qui ne disent presque rien à personne : « Les titres de courtoisie utilisés sont 'Ms' et 'Mr' (tout cela en anglais, comme la variante française du document est introuvable) car ils ne font pas référence au statut marital de la personne contrairement aux titres 'Miss' et 'Mrs'. L'utilisation du titre 'Ms' est donc préférable à moins d'indication contraire. » Le syntagme « Ms » est généralement utilisé pour désigner le terme « main stream » et est déjà sémantiquement occupé. On ne pourrait pas deviner ce que le document voulait transmettre avec cet acronyme, le « Ms ».

Trois ans plus tard, sur la base de ce manuel, un nouveau document a été créé, signé cette fois par la commissaire Dalli. Il s'appelle le Guide 2021. Ce papier est allé plus loin. Comme l'initiateur du premier document avait déjà « préparé le terrain », Helena Dalli a proposé d'abandonner complètement les termes « monsieur » et « madame », qui devraient être remplacés par le terme « collègue ». Mais la chose n'est pas du tout innocente. Notamment, le parallèle avec le système totalitaire est évidente. Après la révolution d'Octobre, la Russie a fait de même. Le terme « monsieur et madame » a été remplacé par l'expression « camarade », qui équivaut à « collègue ». La même chose s'est produite dans les pays où l'influence de l'Union soviétique s'est imposée après 1945. De l'autre côté du rideau de fer, les termes « madame » et « monsieur » ont disparu (parfois avec leurs titulaires qui ont été tués).

Ainsi, le remplacement proposé par Donald Tusk, en tant que président du Conseil européen, est en contradiction flagrante avec les résolutions du Parlement européen : soulignons la résolution sur la conscience européenne et le totalitarisme du 2 avril 2009, la résolution n° 1481 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du 25 janvier 2006 sur la nécessité de condamner internationalement les crimes des régimes communistes totalitaires, ainsi que la résolution du Parlement européen du 19 septembre 2019 sur l'importance de la mémoire historique européenne pour l'avenir de l'Europe.

Cependant, l'ardeur avec laquelle les hauts fonctionnaires s'emploient à « interdire » et à « remplacer » ne s'arrête pas là. Il est nécessaire d'effacer le christianisme. Celui-ci a également dérangé Donald Tusk, initiateur de la brochure, comme on peut le lire : « Ne présumez pas aveuglément que les gens ont des convictions religieuses. Utilisez des termes tels que le prénom ou le surnom au lieu des noms chrétiens. » Le christianisme dérange visiblement l’ancien président du Conseil européen, puisqu'il a signé le papier. La graine est donc tombée dans un sol fertile. Dans le document de Hellène Dalli, trois ans plus tard, on peut lire : « Évitons de supposer que tous sont les chrétiens... », et il est souligné que « Tout le monde ne célèbre pas les fêtes chrétiennes et tous les chrétiens ne les célèbrent pas à la même date ». Les citoyens sont invités à éviter des phrases telles que « La période de Noël peut être stressante.» Au lieu de cela, ils sont encouragés à utiliser des formulations telles que « La période des fêtes peut être stressante. » Les noms chrétiens sont également perturbants : ils devraient être remplacés par ceux qui ne rappellent pas l'appartenance à une identité religieuse. Il est conseillé d'utiliser les noms « Malika et Julio » au lieu de « Maria et John ». Ainsi, l'impératrice Marie-Thérèse sera rebaptisée « Malika Thérèse », à condition que « Thérèse » ne sonne pas trop familier, c'est-à-dire chrétien. La Commission pourrait certainement nous éclairer sur ce point dans l'une de ses prochaines encycliques. Sa fille, Marie-Antoinette, sera rebaptisée - qui sait en quoi.

Il est superflu de dire que de telles propositions sont en contradiction avec les résolutions mentionnées, comme l'exemple précédent de l'expulsion des termes « monsieur » et « madame ». Il est important de souligner que les résolutions font référence, dans leur préambule, à des documents connexes et qu'elles constituent une plateforme globale à partir de laquelle l'UE condamne tout totalitarisme et interdit la reproduction de tout schéma totalitaire. En Europe, il n'y a donc pas de place pour une révolution inclusive. Les documents adoptés au fil des décennies l'interdisent explicitement. L'ancien président du Conseil européen, actuellement candidat à un nouveau mandat en tant que Premier ministre polonais, va clairement à l'encontre de la logique de l'Union européenne elle-même. Comment pouvons-nous interpréter cela autrement ?

Les changements de noms propres, comme l'exemple le plus frappant, en des formes plus inclusives, ne sont rien d'autre qu'une analogie avec la pratique instaurée par le fascisme italien, suivi par le nazisme. Ce que Donald Tusk a proposé initialement, et ensuite repris par Helène Dalli, représente un parallèle avec les mesures introduites par les fascistes italiens, appelées « nettoyage des frontières » (« bonifica di confine »). Entre 1922 et 1926 (sous Mussolini), des noms de personnes et de lieux ont été renommés, effaçant ainsi la distinction entre les noms slovènes et croates d'une part, et les noms italiens de l'autre (l'Italie était bordée au nord-est par l'ancien Royaume de Yougoslavie où vivaient des Slovènes et des Croates). « Janez » n'est pas devenu « Julio », mais « Giovanni », et « Maríja » n'est pas devenue « Malika », mais « Maria » (il y a également eu un changement de l'accent tonique : Mária).

Ainsi : « Dans la première phase de l’italianisation des noms de famille et des noms propres, tous les noms de famille ont été adaptés aux règles de l'orthographe italienne (par exemple, Antončič est devenu Antoncich). Dans la deuxième phase, qui a commencé en 1926, les noms de famille ont été également italianisés sur le plan du contenu (par exemple, Antoncich est maintenant devenu Antonelli). Parallèlement, il y a eu également une italianisation des noms de lieux". Les Allemands ont fait de même : ils ont renommé des noms de lieux : en Slovénie (ancienne Yougoslavie), le village de Mojstrana est devenu « Maistern », la célèbre station balnéaire avec son îlot sur le lac de Bled est devenue « Feldes », Maribor est devenu « Marburg », etc. Ils ont également commencé à germaniser systématiquement les noms de personnes, mais ils ont simplement manqué de temps pour mettre en œuvre cette mesure de manière efficace.

Aux élections qui marqueront un tournant, la Pologne - et ensuite la partie de Visegrad de l'Europe - suivra la voie de l'idéologie de l'éveil ou restera normalement européenne. En guise de principal défi au gouvernement actuel à Varsovie, se présente quelqu'un qui ne semble pas se soucier beaucoup du christianisme, mais qui s'approche des pratiques historiques les plus controversées lorsqu'il fait valoir ses convictions. Il est particulièrement frappant qu'il se donne publiquement l'apparence d'un conservateur, ce qui ne correspond pas très bien aux convictions qu'il exprime publiquement. Surtout parce que l'idéologie éveillée est proche du totalitarisme. Ses partisans ont donc du mal à former des alliances. Et après les élections, il s'agira à Varsovie de coalitions. Tout cela est un ensemble de coïncidences vraiment étranges. À première vue, elles ne devraient pas constituer un trop grand défi pour l'électeur polonais traditionnel lorsqu'il votera à l'automne.

 

 


 


[1] https://www.consilium.europa.eu/media/35446/en_brochure-inclusive-communication-in-the-gsc.pdf