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Editos

17 heures, heure du Caire 3

Le Dialogue

« Je suis le roi de Jérusalem… le roi de France… mon ami… jugera Richard. »

Aujourd’hui, à ma résidence à Londres, j’ai revu—pour la énième fois, sans doute la centième—le chef-d’œuvre de Youssef Chahine, Al-Nasser Salah El-Din. Malgré ma parfaite conscience des graves erreurs historiques que comporte le film, je demeure profondément saisi par la vision cinématographique que Chahine a voulu transmettre, avec son génie habituel.

Je me suis longuement arrêté sur le personnage d’« Arthur », incarné par le grand Zaki Toleymat. Bien qu’Arthur soit une figure purement dramatique, sans existence historique, le sens de sa présence et ce qu’il symbolise dans le film constituent précisément le message que Youssef Chahine voulait faire passer.

Arthur cherche constamment à attiser la guerre et à empêcher la paix : tantôt en assassinant les émissaires de Richard auprès de Saladin et en accusant ce dernier de leur meurtre ; tantôt en tentant d’assassiner le roi Richard lui-même à l’aide d’une flèche arabe empoisonnée, afin de le pousser à poursuivre la guerre pour s’emparer de Jérusalem et s’y proclamer roi—un dessein qu’Arthur nourrissait depuis le début.

Lorsque toutes ses manœuvres échouent et que son complot est dévoilé devant le roi Richard, survient alors la scène magistrale du film—the master scene.

Arthur, enfermé dans une cage de fer, hurle à pleins poumons : « Je suis le roi de Jérusalem… Jean est le roi de France… mon ami… jugera Richard… »

Ainsi s’achève le destin de tout insensé qui prétend jouer sur la scène de la vie un rôle dépassant de loin le talent que Dieu lui a accordé : finir dans une cage de fer, hurlant de toutes ses forces,

« Je suis le roi de Jérusalem. »

Londres. 17 heures, heure du Caire.